Sur la route d'Amsterdam

Sur la route d'Amsterdam

Jour J : Episode 3 : Long Road Ahead...*

*Long Road Ahead... (Une longue route devant...) - Kevin MacLeod

 

La natation est maintenant derrière moi et se profile désormais la discipline normalement la plus longue du triathlon : le vélo. 180km, rien que ça. A l'instar de la natation, le vélo se présente en une boucle de 90km à parcourir deux fois. Les athlètes de l'Half ne feront donc qu'un tour et nous laisseront profiter des paysages que nous aurions éventuellement ratés au premier passage. Le parcours est parfaitement plat (nous sommes aux Pays-Bas NDLR), longeant la mer sur une trentaine de kilomètres puis revenant à Almere en traversant des champs d'éoliennes, typique du paysage du Flevoland. De longues lignes droites en perspective et du vent... du vent.... beaucoup de vent. Ce n'est pas pour rien que c'est le pays de l'éolienne et quand on voit à quelle vitesse tournent les pales géantes de ces récupérateurs d'énergie, on comprend assez vite qu'on risque de passer un sale quart d'heure. Et si seulement ça ne durait qu'un quart d'heure ! Une longue route devant moi m'attend.

J'entame donc mon premier tour et me remémorant les conseils de Florian. J'attends un peu avant de me ravitailler car après avoir passé 1h30 couché, en ayant peut-être avalé un peu d'eau du lac (je n'en ai pas l'impression en tout cas), mon estomac ne serait pas trop d'accord. Je me contente de petite gorgées d'eau et de boisson isotonique. Après environ 10km je mange enfin ce qui me fait un bien fou, ayant commencé à avoir faim dès le début du second tour de natation. Mon compteur est sur le temps et non sur les kilomètres. Je dois veiller à m'hydrater et m'alimenter régulièrement alors je me fixe des timings à respecter en terme de temps en non de distance pour encore plus de régularité. Le vélo est important en terme de ravitaillement. Non seulement c'est la partie la plus longue donc il faudra y dépenser beaucoup d'énergie, mais je sors de 1h30 d'effort sans un seul ravitaillement et je devrai courir un marathon ensuite donc ce n'est pas le moment de finir le vélo sur les rotules. De plus, c'est sur le vélo qu'il est le plus simple de s'alimenter et de digérer, étant porté sur le vélo et n'ayant pas les chocs et secousses de la course à pied. Mangez une raclette et allez courir 10km et vous comprendrez votre douleur !

Il y a beaucoup de monde sur la route. Les triathlètes de l'Half et du Full se trouvent sur la même route. Il y a donc toujours du monde à doubler ou pour vous doubler. Ce sont des points de repères et ça occupe l'esprit. On ne se sent jamais seul. Il y a plus de coureurs qui me doublent que l'inverse mais uniquement des coureurs de l'Half. Comme ils partent pour un seul tour ils peuvent mettre plus de rythme que moi alors je ne me focalise pas sur eux même si il est toujours difficile de se laisser doubler sans avoir envie d'accélérer. Mais je reste bien concentré sur moi et mon effort et j'arrive à me contenir. Le long de la mer, le vent est plutôt favorable alors j'essaye d'enrouler un bon braquet sans trop forcer pour rester économique. Et arrive le moment où il faut tourner à droite, laisser le bord de mer derrière soi et entamer le retour sur Almere avec maintenant le vent défavorable. Et alors là...

Une tout autre course commence. Je me tasse un peu plus sur mon vélo, essaye de rentrer la tête dans les épaules telle une tortue effrayée pour glisser le plus possible dans le vent. Le retour se fera sur de longues lignes droites à travers des champs sans rien pour nous abriter du vent. Beaucoup d'athlètes m'ayant doublé vent dans le dos butent à présent face au pire ennemi du cycliste. Je me rends compte que je suis plus efficace qu'eux face au vent sans pour autant augmenter considérablement mon rythme. Je redouble pas mal de monde et je progresse tout de même à 30-32km/h contre un vent assez important alors je suis satisfait de moi et décide de maintenir cet effort. Je termine mon premier tour et arrive à la séparation entre Half et Full. Alors que les triathlètes de l'Half tourne sur la droite pour aborder le retour en direction d'Almere, je dois continuer tout droit et entamer ma deuxième boucle. Il faut tout refaire une deuxième fois !

Je suis donc lancé pour un deuxième tour au début duquel je prend bien le soin de récupérer un bidon d'eau au premier ravitaillement du circuit ayant déjà bu un bidon d'eau et un de boisson isotonique au premier tour. J'ai prévu le même tarif pour le second tour. La boucle est la même qu'auparavant mais le paysage est complètement différent. Fini les grosses grappes de coureurs à perte de vue, les triathlètes de l'Half nous ayant quitté, et comme nous en sommes à plus de quatre heures d'effort, les écarts commencent à être importants alors c'est maintenant des gros vides qui s'étendent à perte de vue. Je comprends qu'à partir de cet instant, ce sera mentalement qu'il faudra être très fort car je suis plus seul que jamais. La ligne droite de trente kilomètres le long de la mer me paraît interminable. La route semble être étirée comme un chewing-gum qu'on tient avec ses dents et qu'on tire avec le doigts. Elle est rectiligne, de plus en plus fine et semble terminer sa course dans la mer. Au 130ème kilomètre, je commence à avoir un coup de mou. J'ai le vent dans le dos et je ne ressens plus sa fraîcheur agréable. Il est bientôt midi et la température monte. Je commence à m'inquiéter car je dois encore faire les 40km du retour vent défavorable et mes forces s'amenuisent. Comment vais-je finir le vélo ? Aurai-je encore de l'énergie pour courir après ? Les questions et les doutes commencent à envahir mon esprit. "Reprends-toi Alexis, c'est pas le moment de flancher. Reste concentré sur ton effort et ton ravitaillement". Je réduis le temps entre mes ravitaillements pour essayer de me refaire une santé et j'augmente la fréquence et les quantités de boissons ingérées puisque je crains un peu la chaleur. J'arrive de nouveau sur la partie vent de face.

Le vent a forci. Je suis moins rapide qu'au premier tour. Logique. 28-30 km/h ce qui me fait dire au vu de mes sensations du deuxième tour que j'ai peut-être fait une erreur en partant un peu trop vite. Pas facile de gérer un effort solitaire sur 180km surtout lorsque c'est son premier Ironman. Ce sont des repères uniques impossibles à prendre même à l'entrainement car il est extrêmement difficile de simuler le même effort. Je dois reprendre un nouveau bidon à un ravitaillement pour satisfaire à mes nouvelles obligations d'hydratation. Je dois à tout prix me refaire une santé avant le marathon. Je décide de sacrifier ma fin de vélo pour préparer ma course à pied. C'est ça aussi la gestion de l'effort, il faut faire des sacrifices, prendre des décisions, rapidement, s'y tenir et tout ça avant de perdre sa lucidité sinon notre jugement est altéré et c'est là qu'on fait des erreurs fatales. Je relâche énormément mon effort sur les 20 derniers kilomètres pour soulager mon estomac et me permettre de manger des plus grandes quantités de nourriture solide, plus consistante mais plus longue à digérer. Je dois le faire assez tôt avant la fin du vélo pour que tout soit assimilé pour le début de la course à pied afin d'éviter les remontées gastriques. Je mange tout ce qu'il me reste et m'hydrate un maximum. Je sens que ça va un peu mieux.

J'arrive au croisement où les athlètes de l'Half nous avaient quitté. Cette fois-ci, à mon tour de tourner à droite. Je suis maintenant sur le chemin du retour. Je termine vraiment en roue libre les mains sur les poignées de frein et non plus sur les prolongateurs de façon à soulager mon dos et m'étirer un peu afin d'attaquer la course à pied dans les meilleurs conditions. J'approche de l'esplanade et du parc à vélo et je longe le parcours pédestre. Il y a beaucoup de personnes qui courent déjà. Les premiers de l'Ironman mais aussi encore des personnes de l'Half. J'arrive au parc à vélo, je descends de ma machine sans précipitation et regagne mon emplacement pour redéposer mon fidèle compagnon à deux roues. Je vais dans la zone de changement pour déposer mon casque, mes chaussures et emballages vides dans mon sac pour les échanger avec mes affaires de running, chaussures, visière et montre accéléromètre pour avoir ma vitesse en temps réel. Je prends deux gels énergétiques, un que j'ingurgite immédiatement et un autre que je glisse dans ma poche pour plus tard. Je sors de la zone de changement et après une petite pause pour satisfaire à un besoin naturel ("arrêt pipi" dans le jargon technique du sportif), je m'élance pour la partie la plus difficile, pour ce qui va être une première pour moi (j'ai déjà nagé 3.8km et roulé 180km auparavant), un défi inimaginable il y a encore peu.

 

Le marathon...



16/09/2016
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